Iles Canaries FOUTU TOURISME
Visó, le magazine réalisé par les étudiantes et étudiants de l’Ijba, sort la quatorzième édition.
Après « La Lituanie, rester libres », la rédaction de Visó a quitté le continent européen pour se rendre à Tenerife, aux îles Canaries. Située à 2 636 km de Bordeaux, l’une des sept îles de l’archipel compte un peu moins d’un million d’habitants, soit la moitié de la population de la communauté autonome. Bien qu’éloigné de la péninsule ibérique, le territoire cristallise de nombreux enjeux de la société espagnole.
Pendant une semaine, les 17 rédacteur·ices de Visó, qui intègrent la spécialité Presse écrite/Multimédia du M2 de l’IJBA, ont arpenté la plus grande île des Canaries, de Santa Cruz de Tenerife, sa capitale, à sa zone intérieure aride, en passant par les immenses complexes hôteliers qu’elle abrite.
Un périple reconstitué dans les 80 pages du magazine qui offre un véritable état des lieux politique, économique et environnemental de ce bout d’Espagne au large de l’Afrique. Au fil de reportages, d’enquêtes et d’analyses, nous avons choisi de décrypter la situation d’une terre dont l’identité est en perdition. Prise dans l’étau de la touristification, les politiques locales se concentrent pourtant sur la crise migratoire et sur le fait que les Canaries constituent une porte d’entrée vers l’Europe. Pour ne pas sombrer, les habitants sortent dans les rues pour protester contre un système qui les dessert. Des soulèvements qui, pour l’instant, restent vains.
Infos pratiques : 4,50 euros, disponible dans les kiosques, en librairie (Mollat, La Machine à Lire, Chez Georges, etc.) et en vente par correspondance sur le site de l’IJBA à l’adresse suivante : journalisme@ijba.u-bordeaux-montaigne.fr
Visó, la revue réalisée par les étudiants de l’IJBA, a remporté consécutivement le prestigieux prix du meilleur magazine d’école de la Fondation Varenne : Saragosse entre dans la danse en 2017 et Belfast : Amer Brexit, consacré à l’Irlande du Nord, en 2018.
EDITO
Elle engloutit tout sur son passage. La vague de béton dévore les côtes des îles Canaries, grappille du terrain vers l’intérieur aride et volcanique de Tenerife, une des sept îles de l’archipel. Ce sont d’immenses complexes hôteliers, terrains de golf ou circuits automobiles qui s’amoncèlent pour attirer des spécimens convoités : les touristes. Tout, sur ce bout de terre, est pensé pour les satisfaire. Le secteur a attiré 18 millions de visiteur·ses l’an passé, sur un territoire qui compte seulement 2,2 millions d’habitant·es, qui n’en profitent pas. Le 20 avril 2024 a marqué les esprits. Les Canarien·nes ont exprimé leur colère en défilant pour protester contre ce sys - tème « tout-tourisme » qui use l’archipel jusqu’à la corde. Marre de voir leur patrimoine détruit à grands coups de pelleteuse. Marre de devoir partir, faute de pouvoir payer le loyer. Marre des stéréotypes véhiculés par la péninsule. Les Canaries sont épuisées, leurs ressources naturelles aussi. Les îles doivent faire avec leur statut de porte d’entrée vers l’Europe, étant devenues l’une des principales routes de migration irrégulière. La question migratoire crispe la classe politique locale. Et des élu·es à Tenerife s’en servent comme d’un écran de fumée, attisant les peurs pour occulter les débats de fond, sur le modèle économique de l’île. Bien qu’elle soit située à plus de 1 000 kilomètres du continent, l’île cristallise les enjeux de l’Espagne toute entière : problématiques liées au tourisme, menace grandissante de l’extrême droite, incendies destructeurs ou encore biodiversité en péril. Le danger vient de tous côtés. Sur place, la rédaction de Visó a rencontré un peuple ouvert sur le monde, mais prêt à défendre son identité. Dans cette 14 e édition du magazine, vous trouverez la parole de ces Canarien·nes, mais aussi celle de chercheur·ses, scientifiques et militant·es engagé·es pour faire des îles Canaries un laboratoire de solutions. Face à l’asphyxie, la population tente de reprendre son souffle. Étouffée, mais pas vaincue.
Pierre Berho et Athéna Salhi, rédacteurs en chef